Et le gagnant est...
Je viens de me réveiller, il est 23h15. En fait, c'est mon voisin qui m'a filé un coup de coude dans les côtes car c'est le moment des nominations pour le meilleur acteur. Comédien pardon, j'entends déjà la profession gronder. On est 4 à être en lice, et tatata: c'est mon nom que Valérie Lemercier prononce.
A ce moment, il est 23h16 à l'Olympia, je suis à ma première cérémonie des Césars et, du haut de mes 26 ans et de ma grande carrière cinématographique (mon premier film... de la merde et prétentieux à souhait), je m'apprête à aller chercher mon trophée. Complètement bourré évidemment.
Se lever du fauteuil, ça allait encore. Rejoindre l'allée qui me permettra d'accéder à la scène, en marchant sur les pieds de tous mes talentueux voisins, Nathalie Baye, Jean Rochefort et Johnny, ça le faisait moins, mais on pouvait encore mettre ça sur le compte de l'émotion.
Une fois dans l'allée, ouf, je peux enfin tituber de la plus belle des façons, jusqu'aux marches, enfin un peu avant pour être franc, où je me vautre comme une merde. Là, je parle de moi hein, pas du film dans lequel j'ai tourné. Oui, je suis un acteur qui tourne, car jouer est bien trop pointu pour moi. Je tourne. Je tourne de la merde et je sais depuis 30 secondes maintenant que je vais en vivre.
Je me relève sans l'aide de personne. Je n'ai pas besoin d'aide ce soir, car ce soir, c'est mon soir. Ce soir, je suis un Grand. Et les Grands, ça se démerde tout seul.
Je monte les escaliers: une marche, deux marches, trois marches, en léger deséquilibre, je redescends sur la deuxième, puis j'engloutis d'un seul pas les deux marches qui me séparaient encore de la scène. Ca parait bref mais on me dira sûrement demain que j'ai mis du temps pour grimper. Et j'avoue que c'est seulement en haut des 4 marches que j'ai vu la main tendue de Valérie Lemercier.
Valérie, en off: "Tu es bon pour le zapping toi"
Moi, complètement off: "Ze suis un graaand!"
Valérie, toujours micro coupé: "Ok je vois... le pupitre c'est tout droit, même sans zigzaguer..."
C'est là que je passe en deséquilibre avant. Fantastique loi de la physique: tout corps penché vers l'avant ira plus vite qu'un corps penché vers l'arrière. Je rajouterais: bourré, c'est encore plus vrai.
Dans ces cas, on doit sûrement mettre les 2 mains sur le pupitre pour bien se tenir. Moi non. Les mains, c'est dans les poches. Et j'y serre très fort ma flasque de whisky, de ma main la plus forte, la droite.
Moi: "Manquerait plus que Lemercier, cette grosse pute, vienne me chourrer ma flasque!!... ... ... Eh merde Je l'ai dit à voix haute, c'est ca?"
Valerie: "La grosse pute confirme... et dans le micro en plus."
Moi: "Pardon. Vraiment."
Bourré mais poli, il fallait quand même faire honneur à l'éducation qu'on m'a donnée.
Debout face à tous, j'essaie de regarder le public, que dis-je, la profession! Impossible de les voir, pourtant j'avais le choix parmi les centaines d'invités. Je sais pas si eux m'ont vu, mais encore une fois, demain on me confirmera qu'ils m'ont vu avant que je ne les vois.
J'ai du mal à me fixer sur un visage, une personne ou ne serait-ce qu'une silhouette. Au cours de théâtre d'Asnières-sur-Seine, on m'avait pourtant appris à regarder le public, sans négliger ni les personnes du fond, ni les personnes aux extrémités. Il est pas aussi grand le théâtre d'Asnières. Mais là, je faisais quelque part le plus gros "fuck" télévisé fait aux gens du cinéma. Emmerder les gens du cinéma à la télé, je trouvais ca bien de ma part.
Au premier rang, je vois Sophie Marceau... enfin je l'aperçois, voire même je l'entraperçois on va dire. Dans un dernier signe de vivacité intellectuelle, si je peux dire, je lâche:
"Pfoua! tu dézzires... non, tu déchires ze veux dire. Mais euh... comment je parle"
Je suis maintenant un professionnel donc j'ai le souci de bien me rapprocher du micro au moment de dire ça. Et oui, les gars, avoir un César, c'est du boulot.
Ce qui est bien quand je suis bourré, c'est que j'ose dire ce que je ne fais que penser sinon. Mais bon, avec la langue qui fourche et les yeux qui partent à gauche, à droite, c'est pas sûr qu'elle comprenne que je m'adresse à elle... Finalement, ce qu'il y a bien quand je suis bourré, c'est que les gens ne sont pas sûrs que je m'adresse vraiment à eux.
Je me racle la gorge, et prononce le discours le plus poignant qui me vient à l'esprit à ce moment: "Merci... à toi!"
Acclamation, nausée, pâté, clap de fin.
2 Comments:
Tu m'inquiètes..... vraiment tu m'inquiètes!
je confirme le post précédent!
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